Etienne de la Boétie, contemporain de Machiavel, s’interrogeait déjà au 1553 (à 23 ans !) sur les fondements de la «servitude volontaire du peuple » face aux «maîtres » et «tyrans ».

Près de 5 siècles plus tard, son analyse des ressorts du «pouvoir » reste d’actualité !
Même dans nos démocraties modernes ?

Aujourd’hui encore, est-il vrai que ce n’est pas «un bon gouvernement » qui conditionnerait la pérennisation d’un «pouvoir », mais la soumission du peuple par la rencontre croisée de la peur inspirée et de la servitude volontaire ?

Etienne de la Boétie (1530 – 1563)

Les manières de se hisser au pouvoir …

Pour Etienne de la Boétie, il existe trois sortes de gouvernants :

  • « Les uns règnent par l’élection du peuple,
  • les autres par la force des armes,
  • les derniers par succession de race ».

Les deux premiers se comportent comme en pays conquis.
Les derniers ont grandi au sein de la tyrannie.

Qu’est-ce qui explique la domination des gouvernants ?

Quelle que soit la manière dont un «maître » ou «tyran » s’est hissé au pouvoir (élections, violence ou succession), ce n’est jamais son bon gouvernement qui explique sa domination et le fait que celle-ci perdure !

Non, car au-delà de l’habitude qu’a le peuple de la servitude et de la religion et au-delà de la religion et des superstitions qui ne permettent de dominer que les ignorants, il y a le «secret de toute domination : faire participer les dominés à leur domination ».

Les mécanismes de la mise en place des pouvoirs 

Un homme ou un groupe ne peut asservir un peuple si ce peuple ne s’asservit pas d’abord lui-même par une imbrication pyramidale.

De petites acceptations en compromis et complaisances, la soumission vient à s’imposer à soi tel un choix volontaire fait dès les premiers instants.

Une imbrication pyramidale, ressort et secret de la domination …

Organisation pyramidale du pouvoir

La pyramide peut être schématisée comme suit :

  • Le «maître » ou «tyran » est soutenu par quelques hommes fidèles,  complices de ses actes, qui lui soumettent tout le pays.
  • Ces hommes ont à leur tour des hommes qui leur sont obéissants.
  • Ces derniers ont à leur dépendance d’autres hommes qu’ils élèvent en dignité et à qui ils donnent le gouvernement des provinces et «le maniement des deniers ».
    Ce maniement est attribué à ces hommes «afin de les tenir par leur avidité ou leur par leur cruauté, afin qu’ils les exercent à point nommé et fassent d’ailleurs tant de mal qu’ils ne puissent se maintenir que sous leur ombre, qu’ils ne puissent s’exempter des lois et des peines que grâce à leur protection ».

Pourquoi cette servitude volontaire du peuple ?

Trois raisons expliquent cette servitude :

  • Nés puis nourris et élevés dans la servitude, les hommes prennent pour leur état de nature, l’état de leur naissance.
  • Les gens soumis n’ont ni ardeur ni pugnacité, deviennent «lâches » et ne combattent plus pour une cause mais par obligation.
  • L’envie de gagner leur est enlevée.
    Les «maîtres » et «tyrans » essayent de stimuler cette pusillanimité et maintiennent les hommes stupides en leur donnant “du pain et des jeux “.
Stimulation du peuple

L’encadrement par la structure pyramidale du pouvoir décrite ci-dessus est sans doute la cause la plus importante.

Cette structure pyramidale a pour conséquence que ce n’est pas le tyran que le peuple accuse du mal, mais bien ceux qui le gouvernent directement !

Mais finalement …

Qui est le plus libre, celui qui, après avoir «obéi », fait ce qui lui plaît, ou celui qui «s’étant gorgé quelque temps, y a perdu peu après les biens et la vie »?

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