Geste citoyen

A l’heure où la démocratie française se questionne violemment sur une forme de participation plus effective des citoyens aux décisions qui les concernent, voilà bien longtemps que nos voisins suisses ont trouvé une solution apaisée adaptée aux sujets les plus divers, en importance et en variété.
Pour exemple le plus récent : une décision concernant la pratique de l’ablation de plus en plus fréquente des cornes des vaches et des chèvres en Suisse !

Une rescapée du cheptel helvétique (10 à 25 %, selon les sources)

Le combat du petit « David » contre « Goliath » :

Un paysan suisse des Grisons, Armin Capaul, s’insurge contre la pratique, croissante en Suisse, de priver les vaches de leurs cornes (de 75 à 90% selon certains) pour densifier leur cohabitation dans un même espace.

Armin Capaul, le petit « David » Grison

Il frappe à toutes les portes mais se heurte à la puissante Union suisse des paysans, hostile ! Et comme il n’arrive à rien, il décide de lancer une pétition d’initiative populaire.

La démarche :

Une telle démarche, pour être visible, exige souvent les moyens de groupes puissants (organisation, frais …).
Mais, il se trouve que l’intéressé touche une corde sensible, car il obtient, avec ses maigres moyens, près de 120 000 signatures dans les délais fixés par la loi (minimum exigé : 100 000 signatures).

Cheminement de l’initiative ainsi cautionnée :

S’enchaîne alors toute une procédure à plusieurs étages :

  • Contrôle par la Commission ad hoc :
    La Commission valide le dossier.
  • Consultation du Conseil Fédéral (Gouvernement).
    Celui-ci, qui n’a pas de pouvoir décisionnaire, rejette l’initiative. de ce fait, l’initiative est présentée aux deux Chambres du Parlement Fédéral.
  • Décisions du Conseil National (l’équivalent de notre Assemblée Nationale) et du Conseil des États (le Sénat).
    Dans l’hypothèse où l’une et l’autre des Chambres auraient accepté l’initiative, celle-ci aurait donné naissance à une nouvelle loi.
    En l’espèce, les deux Chambres la rejettent.
  • C’est donc, en dernier ressort, au peuple de voter.
    Si les citoyens, à la double majorité des voix et des Cantons, l’approuvent, l’initiative sera inscrite dans la Constitution (sous forme d’une subvention de 190 Francs suisses par vache épargnée, 38 Francs par chèvre).
    Remarque importante : Pour son information, chaque citoyen est destinataire, pour éclairer son vote, de 3 documents d’information : un argumentaire des partisans de l’initiative, un argumentaire des opposants et un argumentaire technique neutre.
  • La votation du 25 novembre 2018 :
    Résultat du vote : rejet de la proposition par 64,72% des votes.

    La vache qui pleure se cornes

    Une vache « optimalisée » ?

Morale de l’exemple :

Un citoyen isolé quoique éloigné, à tous égards, des centres de pouvoir peut arriver à modifier la Constitution du pays, même sur un sujet des plus inattendus !
Par ailleurs, de manière plus générale, le débat qui s’est engagé a débordé sur des considérations beaucoup plus larges à savoir la définition de ce qu’est un animal et de sa place dans la société, l’interrogation sur la souffrance occasionnée, l’image que le peuple veut donner de son environnement ...
Le citoyen le plus isolé a pu faire entendre sa préoccupation et exposer ses motivations. Un pacifique débat contradictoire et enrichissant s’est instauré avant une décision collectivement acceptée.

En somme, un exemple à méditer par ceux, toujours prêts à faire la morale  à l’ensemble de la planète, mais incapables de se mettre d’accord entre eux, même sur les sujets les plus futiles !!!

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